HEPATITE ET PAS TOI ?
HEPATITE ET PAS TOI ? HEPATITE ET PAS TOI ?

RISQUE DE TRANSMISSION PAR TRANSFUSION

par le Dr Lawrence SERFATY, Service d'Hépathologie, Hôpital Saint Antoine, Paris
et Anne-Marie JULLIEN, Direction Générale de la Santé, Paris

L'hépatite C a représenté un risque transfusionnel majeur jusqu'au début des années 1990 mais qui s'est considérablement réduit depuis l'introduction des tests de dépistage de deuxième génération sur les dons de sang. En quelques décennies, entre 100000 et 400000 malades transfusés auraient été infectés. Nous atteignons actuellement un niveau de risque faible, environ 1/100000 patients transfusés, ce qui nécessite de documenter chaque nouvelle infection pour la distinguer du risque nosocomial.

LES PRODUITS SANGUINS EN CAUSE

Le risque de contamination d'un malade transfusé dépend de la date des transfusions, de la nature et du nombre des produits sanguins transfusés. La loi n°93-5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicaments distingue :

LES PRODUITS STABLES

Ils constituent des médicaments dérivés du sang. Ils sont obtenus par fractionnement industriel d'un mélange de milliers de plasmas (poolage), par le Laboratoire Français du Fractionnement et des Biotechnologies. Ils comportent principalement : l'albumine, les immunoglobulines (gammaglobulines), les fractions coagulantes (facteurs anti-hémophiliques WIII et IX, PPSB, etc.), les colles biologiques et les antiprotéases.

Avant 1987, les facteurs anti-hémophiliques étaient contaminants. Certains lots d'immunoglobulines intraveineuses ont été à l'origine de contaminations documentées. L'albumine n'a jamais été incriminée. Les produits stables subissent des traitements d'inactivation virale, validés désormais dans le cadre de la procédure d'AMM (autorisation de mise sur le marché) et sont soumis à des règles particulières de pharmacovigilance, sous le contrôle de l'Agence du Médicament.

LES PRODUITS LABILES

Ils se définissent comme des produits ayant une conservation limitée et proviennent généralement du don d'un seul donneur. Ils comportent notamment le sang total, les concentrés de globules rouges, les concentrés de plaquettes, les concentrés de globules blancs, le plasma frais congelé (PFC) et le plasma destiné au fractionnement. Les produits sanguins autologues, donnés par un malade pour lui-même, représentent 5% des produits distribués. Jusqu'à présent, seul le PFC a pu être soumis à un traitement d'inactivation virale (solvant détergent, SD, août 1992). Ils sont sous le contrôle de l'Agence Française du Sang et font l'objet d'une surveillance appelée hémovigilance. L'utilisation de produits sanguins labiles est passée de 6200000 en 1986 à 3500000 en 1994.

MESURES DE REDUCTION DU RISQUE

Le VHC a été responsable de plus de 90% des hépatites post-transfusionnelles dénommées non A non B jusqu'en 1989. Avant les mesures préventives, ces hépatites ont atteint 6 à 12% des receveurs de produits labiles, jusqu'à 60% des multitransfusés et plus de 90% des hémophiles.

Le retard au diagnostic chez les receveurs atteignait dix à trente ans du fait du caractère majoritairement asymptomatique de l'atteinte hépatique.

De nombreuses études scientifiques entreprises dès 1970, en particulier en chirurgie cardiaque, ont conduit à la mise en place de mesures préventives, différentes selon les pays. Voici celles qui ont été appliquées en France :

  • PRODUITS STABLES :

    • 1987 : application du procédé chimique "solvant détergent" inactivant les virus enveloppés, aux facteurs anti-hémophiliques. L'efficacité (proche de 100%) de cette mesure a été montrée.

    • 1987 : retrait de l'utilisation thérapeutique du plasma sec, plasma total lyophilisé obtenu à partir de mélanges de plasma.

  • PRODUITS LABILES :

    • 1988 : dosage des transaminases, ALAT (15 avril) et dépistage des anticorps anti-HBc (1er octobre), marqueurs indirects des hépatites non A non B. La réduction du risque de transmission de l'hépatite C liée à ces dépistages est estimée entre 40 et 70%, avec une efficacité hétérogène particulièrement pour l'anticorps anti-HBc.

    • 1er mars 1990 : mise en oeuvre du dépistage spécifique des anticorps anti-VHC sur tous les donneurs de sng. Cette première génération de tests a permis de dépister plus de la moitié des donneurs infectés non exclus précédemment par les marqueurs indirects.

    • mi 1991 : utilisation des tests de deuxième génération qui ont permis de détecter 30 à 40% de dons positifs supplémentaires.

    • 1993 : utilisation de la troisième génération de tests, qui améliore surtout la précocité de la détection des anticorps chez les personnes récemment infectées.

  • AUTRES MESURES :

    • 1983-1985 : sélection clinique des donneurs

    • 1991 : limitation des indications du plasma frais congelé

    • 1992 : introduction du plasma frais congelé vitro-atténué

    • 1994 : renforcement de la sélection clinique des donneurs

    • la réduction du nombre de produits et de patients transfusés par une prescription plus rationnelle

    • le recours à la transfusion autologue

    • la réduction du nombre de donneurs impliqués dans la préparation d'un produit transfusionnel par exemple : un à deux donneurs au lieu de dix grâce aux plaquettes d'aphérèse, un au lieu de plusieurs donneurs dans la transfusion répétée des nouveaux nés par fragmentation d'une poche

    • la mise en place d'un dispositif d'assurance de la qualité pour toutes les activités des établissements de transfusion sanguine, comprenant des règlements de bonnes pratiques homologués par le ministre

RISQUE TRANSFUSIONNEL

Jusqu'en 1992, le risque était donc lié à la fréquence, variable selon les régions, des porteurs chroniques asymptomatiques du VHC parmi les donneurs. Les fréquences les plus élevées étaient observées pour 1991-92 en Corse, dans les DOM-TOM et les régions Provence - Alpes - Côte d'Azur, Midi - Pyrénées et Ile de France (publication dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire). Ainsi, environ 5000 personnes par an ont été exclues du don ces dernières années en France.

Le risque résiduel est lié essentiellement aux dons "faux négatifs" effectués pendant la "fenêtre de séroconversion", comme c'est le cas pour toutes les autres maladies infectieuses transmissibles. Cinq cas de séroconversion anti-VHC ont été détectés en Ile de France parmi 785646 dons en 1994. De plus, des cas de transmission peuvent survenir du fait que la sensibilité des tests de dépistage n'est jamais 100% ou du fait d'erreurs techniques ou humaines.

L'évolution du nombre annuel d'infections estimé pour 600000 receveurs par an est de :

Avant 198536000
1986 à mi 198827000
Octobre 1988 à mars 199014400
1990 à mi 19913000
mi 1991 à 19921500
1993 à 1995 inférieur à 200 ?

RECHERCHE DES TRANSFUSES

La circulaire du 26 mars 1993 du ministère de la Santé avait étendu le dispositif de recherche, d'accueil et de dépistage des transfusés, prévu initialement seulement pour la période 1980-1985 et pour le VIH, à l'hépatite C et sans limitation de date. L'impact de cette mesure a été variable. L'analyse des résultats dans quatre régions montre une prévalence d'anticorps anti-VHC de 3 à 8.3 %. Par ailleurs, en préopératoire ou prétransfusionnel, des prévalences de 1 à 3% sont retrouvées.

Tout antécédent de transfusion ou d'intervention supposée hémorragique constitue un facteur de risque et nécessite de proposer un dépistage. Le dépistage post-transfusionnel (sérologie de l'hépatite C, qui peut être associée à un dosage des ALAT) est à réaliser entre le quatrième et le sixième mois.

DISPOSITIF D'HEMOVIGILANCE

Le dispositif d'hémovigilance (décret du 24 janvier 1994, circulaires et directives d'application) a été mis en oeuvre par l'Agence française du sang. Il prévoit, en dehors de l'enregistrement par les établissements de santé et de transfusion, des informations sur l'identité des receveurs, les produits transfusés et les examens pratiqués :

  • l'information écrite du patient sur l'administration de produits sanguins labiles, remise au cours de son hospitalisation

  • la déclaration obligatoire pour les personnels soignants, dont les médecins, de tout effet indésirable de la transfusion constaté, au correspondant d'hémovigilance de l'établissement de santé ou de transfusion, notamment :

    • positivation des anticorps anti-VHC ou de l'ARN du VHC par PCR

    • hépatite clinique ou biochimique : élévation persistante des ALAT dont un résultat de dosage au-dessus de deux fois la valeur normale, éventuellement non résolutive après l'arrêt d'un médicament en cause

Les patients concernés, mais aussi les donneurs de sang chez qui auront été trouvés des anticorps anti-VHC, seront adressés à une consultation d'hépato-gastro-entérologie.


Retour au sommaire
ogie.


Retour au sommaire HEPATITE ET PAS TOI ?