HEPATITE ET PAS TOI ?
HEPATITE ET PAS TOI ? HEPATITE ET PAS TOI ?

LES OUTILS DE PREVENTION
STERIBOX ET STERICUP
POUR EVITER, DEPISTER, TRAITER
L'HEPATITE C ET PREVENIR DE L'HEPATITE B

par le Dr Elliot IMBERT, créateur du stéribox (Association APOTHICOM)

AVANT PROPOS

La France a été de 1992 à 1994 le terrain d’expérimentation d’une campagne de prévention du sida et des hépatites chez les usagers de drogues ayant conduit à la mise au point du kit de prévention Steribox, créé par l’association Apothicom membre d'Hépatite et pas toi, section parisienne de SOS Hépatites.

Ayant fait la preuve de son efficacité, cette action de santé publique a été étendue au territoire national, de sorte que le Stéribox est vendu dans (presque) toutes les officines françaises.

L’épidémie du sida, actuellement en voie de contrôle dans cette population, fait place à une nouvelle épidémie, l’épidémie du virus de l’hépatite C (VHC). Cette épidémie présente la caractéristique d’être «invisible», de représenter un important problème de santé publique et d’être évitable. Nous proposons d’adapter l’outil de prévention Steribox à la prévention de ce nouveau fléau en y adjoignant le système «Stericup» dont la mise au point vient de s’achever .

Il est proposé ici de démarrer une opération de santé publique autour de ce nouvel outil de prévention.

POSITION DU PROBLEME EN FRANCE

Cent cinquante mille toxicomanes susceptibles d’utiliser la voie injectable un jour donné vivent en France.

Trente six mille suivent un traitement de substitution à la buprénorphine (Subutex), cinq mille un traitement à la méthadone, un millier au sulfate de morphine (Skénan, Moscontin) ; Trente mille prennent hors prescription un codéiné.(Néocodion, Dynacode…)

Vingt Mille sont dépendants aux opiacés par voie nasale ou fumable.

Dix Mille dépendants aux opiacés sont un jour donné en garde à vue ou incarcérés.

Trente trois mille usagers de drogue dépendants aux opiacés utilisent un jour donné la voie injectable.

Huit mille «Stéribox» et quinze mille seringues sont vendus et/ou distribués chaque jour à ces injecteurs.en France

Quatre mille jeunes français deviennent chaque année toxicodépendants aux opiacés, et deux mille font chaque année l’initiation à la voie injectable.

I - LE PROJET D'APOTHICOM

Chaque jour, dix français se contaminent par le virus de l’hépatite C (VHC).par la seringue ou le matériel d’injection.

Chaque année, plusieurs centaines sont contaminés par le virus de l’hépatite B (VHB), par le virus VIH, et une quarantaine meurent d’overdose.

POURTANT, IL EXISTE DES MOYENS FACILES, PEU COÛTEUX ET EFFICACES A METTRE EN OEUVRE

Les mesures de prévention qui ont été efficaces pour l’épidémie de Sida ne le sont pas pour l’épidémie du VHC.

POURQUOI ?

Cette épidémie n’est pas contrôlée dans cette population pour diverses raisons :

  • La contamination ne s’accompagne d’aucun signe clinique

  • Les jeunes ignorent l’importance de cette épidémie, dont les conséquences ne se feront sentir que plus tard : hépatite chronique, cirrhose hépatique, cancer du foie

  • Les contaminations semblent intervenir lors des premières injections, et d’autant plus que le sujet est plus jeune ; l’information sur les pratiques d’injection est amenée par un initiateur, ou par le groupe qui véhicule des idées fausses sur les risques encourus et les moyens de se protéger

  • Les deux premières années de dépendance constituent la période de "lune de miel" avec l’héroïne et le recours aux soins intervient rarement durant ces deux premières années d’usage.

  • Les modes de contamination sont mal connus des professionnels comme des usagers

  • Les campagnes d’information répugnent à évoquer le détail des pratiques des injections. Il en est de même des professionnels lors de leurs contacts avec les usagers.

Ce n'est que récemment que l’on sait que les causes des contaminations VHC ne sont pas liées seulement au partage des seringues comme pour le VIH. Elles sont liées, pour beaucoup, à l’utilisation à plusieurs du matériel annexe : en effet, du fait de l’extrême «virulence» du VHC, la cuiller commune dans laquelle chacun trempe sa seringue, l’eau de préparation qui est partagée à plusieurs, le filtre ("coton") contaminé que l’on récupère pour l’héroïne qu’il contient encore pour l’injecter plus tard, le doigt ou le coton avec lequel l’usager comprime le point d’injection; tous ces éléments sont soit utilisés à plusieurs, soit en contact avec du sang ou des traces de sang présentes sur les lieux de l'injection.

Ces éléments expliquent qu’aujourd’hui autant d’usagers ou d’anciens usagers soient porteurs du virus VHC dans notre pays.

Selon nos estimations, cent mille à deux cents mille français qui, une fois au moins dans leur vie ont fait une expérience d’injection de drogue sont porteurs du virus. Parmi ceux-ci, les trois quarts présentent une hépatite chronique active. La plupart l’ignorent. Seule une très faible minorité bénéficie du traitement par l’interféron. Ce traitement est pourtant efficace dans près de la moitié des cas. Les génotypes dominants chez les usagers de drogue (2a et 3a) sont ceux qui réagissent le mieux à ce traitement anti-viral. Ce traitement est d'autant plus efficace que la personne est plus jeune et qu'elle a été contaminée récemment.

La ponction–biopsie de foie, geste hospitalier, devrait être réalisée chaque fois qu'à une sérologie positive est associée une élévation des transaminases, ce qui est le cas le plus fréquent.

Le nombre ou la proportion d'usagers protégés par la vaccination de l’hépatite B, seule prévention efficace pour ce virus, est inconnu en France.. Différentes études montrent que la prévalence des anticorps témoignant d'une infection ancienne et de l'antigène Hbs témoignant d'une contagiosité actuelle par le sang, la salive le sperme ou les sécrétions vaginales est beaucoup plus élevée que dans la population générale.

Les actions de prévention qui ont été efficaces sur le VIH (vente libre des seringues en officine, programme d'échanges de seringues, Stéribox disponible dans la majorité des officines) ne le sont pas pour le VHC. .En effet ces programmes s'adressent à des usagers de drogue qui sont déjà majoritairement contaminés par le VHC. En revanche, les actions à mener pour la prévention, le dépistage et la prise en charge de l'hépatite C chez les usagers de drogue seront a fortiori efficaces sur le VIH et sur le VHB étant donnés les modes de contamination.

Les actions de prévention - campagne d’éducation sanitaire ciblée, incitation au dépistage, prise en charge sanitaire, vaccination de l'hépatite B - qui se sont montrées efficaces sur le VIH, sont aujourd’hui urgentes à mettre en œuvre pour le VHC .

Les actions à mettre en œuvre devant cette épidémie découlent de l'étude des modes de contamination et des voies de transmission qu'emprunte ce virus : elles doivent toutes répondre à une première condition : s'adresser aux jeunes injecteurs non encore contaminés

L'analyse fine des initiations à l'injection chez les jeunes a été faite (en Australie par N. Crofts et Wodack) ou est en cours (au Quebec par E. Roy). Elle démontre que l'information lors de la première injection est faite par les pairs : il y a donc lieu d'informer les pairs qui sont eux-mêmes les vecteurs d'une information. L'information des pairs par les pairs a donné des résultats importants dans le contrôle de l'épidémie à VIH chez les UD.

Il existe une autre ressource d'information en France. La seringue de la ou des premières injections en France est très majoritairement délivrée par la pharmacie sous forme de Stéribox ou sous forme de seringue à l'unité. Chaque jour, dix mille toxicomanes différents franchissent le seuil d'une pharmacie pour acheter un Stéribox. La pharmacie étant le passage obligé du toxicomane pendant la période d’exposition aux risques, c’est par elle que nous proposons de passer pour mener une campagne d’éducation sanitaire.

En quoi consisterait cette information ? Elle découlerait de la connaissance que nous avons à ce jour des trois modes de contamination décrits plus haut :

  1. Le pouce qui comprime le point d'injection sans tampon sec absorbant diffuse le sang : s'injecter de la drogue est un acte sanglant, et là où il y a sang, il y a contamination de l'environnement et risque de transmission. Le même phénomène est décrit dans les services d'hémodialyse. Il a été notamment rapporté lors de la journée du 27 novembre 1997 organisée par l'Assistance Publique sur l'Hépatite C (…) Il y a donc lieu de rajouter dans le nouveau Stéribox un tampon sec "post injection" qui limiterait ce risque de diffusion à l'environnement.

    Un argument supplémentaire plaide en faveur de ce tampon sec : lorsqu'ils n'utilisent pas le pouce pour la compression, les usagers utilisent le tampon d'alcool pré-injection qui n'est pas absorbant (Apothicom,1995). La fonction de ce tampon alcoolisé est de nettoyer la peau avant l'injection. S'il ne l'utilise pas avant l'injection pour l'utiliser après, le détournant en quelque sorte de son indication, le toxicomane prend un risque supplémentaire : celui d'une staphylococcie profonde. L'intérêt du tampon alcoolisé, produit à AMM, est de limiter les staphylococcies profondes à Staphyloccoccus Aureus. Celles-ci constituent la quatrième cause d'infections (après le SIDA les hépatites et les candidoses disséminées) chez les toxicomanes injecteurs selon l'étude multicentrique espagnole analysant les motifs d'hospitalisation de 17000 toxicomanes en Espagne entre 1979 et 1991 (Miro & all, Barcelone, 1991). L'efficacité de la désinfection à l'alcool avant l'injection a été démontrée par Vlahov & all: sur la cohorte Alive de Baltimore : lorsqu'il y a toujours désinfection, les abcès profonds et les ostéomyèlites diminuent de façon très significative et les endocardites disparaissent (…).

    Il y a donc un double intérêt à ce tampon sec post-injection : celui de limiter le risque d'hépatite C et de faire retrouver au tampon d'alcool son indication première : la prévention des staphylococcies profondes provoquées par les staphylocoques cutanés.

  2. La seringue déjà utilisée ne doit pas être réutilisée. Il s'agit là d'un objectif de santé publique, dont nous nous rapprochons en France. La seringue est réutilisée en moyenne moins de trois fois en 1995 contre cinq fois en 1988 (Ingold 1988, 1992,1996). Il s'agit cependant là d'un objectif irréaliste à réaliser aujourd'hui même, notamment lors des injections itératives que l'on observe lors de l'usage de cocaïne. Cela signifierait en effet qu'il y ait 100.000 seringues délivrées quotidiennement pour les 100.000 injections quotidiennes actuellement observées , alors qu'il n'y en a que 41000 délivrées chaque jour (un tiers sous forme de Stéribox, et deux tiers sous forme de seringues à l'unité en pharmacies, seringues des Programmes d'Echange et seringues des échangeurs et des Distribox). Il convient de proposer en attendant d'atteindre cet objectif, une stratégie à objectif réalisable : "Utilisez une seringue personnelle, et ne trempez jamais l'aiguille dans l'eau après quelqu'un d'autre"

  3. Ne pas utiliser à plusieurs le récipient de dilution et de chauffe Stéricup : Fournir un récipient de dilution et de chauffe stérile et à usage unique est utile (Apothicom mars 1993, Apothicom-Inserm, mars 1995, Crips Paca-Idf, novembre 1996, Apothicom, août 1997, rencontres nationales, décembre 1997) et attendu des usagers de drogue (Eval, 1996). Cette mise à disposition n'a cependant d'intérêt que si elle s'accompagne d'une véritable information sur le risque, notamment sur le risque d'utilisation à plusieurs d'un tel récipient. Deux études récentes (DGS-RNSP, Mai 1997, BIPS -Genève, Aout 97) montrent en effet que lorsqu'on met ces récipients à disposition des usagers de drogue, ceux-ci sont encore partagés. Un mode d'emploi pédagogique adapté explicitant leur usage unique et personnel doit donc être impérativement associé à cette délivrance.

  4. Ne pas injecter le produit des filtres récupérés : La récupération de produits opiacés demeurant dans les filtres est une pratique répandue. Elle concerne essentiellement les injecteurs d'héroïne brune (soit 60 à 70 % des injecteurs d'opiacés en France). Il s'agit d'une pratique à haut risque de contamination VHC. En effet, lorsque la récupération concerne un filtre qui n'est pas personnel, c'est-à-dire lorsque le produit est récupéré d'un filtre utilisé précédemment par un autre usager, celui-ci l'a nécessairement mis en contact avec l'aiguille de sa seringue lors d'une injection précédente. Cette mise en contact est elle-même à haut risque si cette seringue a été réutilisée par l'usager précédent. Or cette réutilisation est fréquente, puisqu'elle concerne deux injections sur trois en France, et la pratique du retour veineux pour savoir si l'on est dans la veine (pratique appelée "tirette" chez les usagers) est générale et a mis en contact le sang du précédent usager avec l'aiguille de sa seringue.

    C'est donc une véritable pédagogie de l'asepsie vis-à-vis du VHC qu'il faut mettre en œuvre si l'on veut contrôler cette épidémie chez les toxicomanes.

    Cet objectif n'est pas irréaliste. En effet, on ne peut pas se protéger si l'on ignore les risques. Cette ignorance des risques est actuellement majoritaire dans les dernières études (Apothicom 1995, Irep 1996). Les usagers de drogue ont montré par le passé qu'ils répondaient bien aux campagnes d'information et de prévention. Mais ces campagnes n'opèrent réellement leur effet que si une politique de dépistage est associée. Ainsi, s'ils ont modifié leurs pratiques vis-à-vis du VIH dès la fin des années 1980, c'est que la politique de dépistage a commencé à porter ses fruits pour le VIH à cette période. Les premiers changements de comportements ont été observés lorsque la connaissance du statut sérologique les a amenés à ne plus "shooter après quelqu'un de séro" c'est-à-dire à ne plus utiliser la seringue de quelqu'un dès lors que celui-ci connaissait son statut sérologique vis-à-vis du VIH et le faisait savoir à ses compagnons d'injection.

    A cette pédagogie de l'asepsie doit être associée une politique d'incitation au dépistage. Celle-ci a commencé à porter ses fruits vis-à-vis du VHC; puisque, selon les études, la moitié des usagers connaissent leur statut sérologique. Elle peut être amplifiée avec d'autant plus de chance de succès que, à la différence du VIH il y a dix ans, la maladie à VHC a la réputation d'être "curable".

II - PROPOSITIONS D’ACTION

  • Contrôler l’épidémie à VHC chez les usagers de drogue

  • Dépister les usagers séropositifs pour le VHC en les invitant à se faire dépister et, éventuellement, traiter

  • Sensibiliser les usagers de drogue aux risques liés à l’injection intraveineuse

  • Donner à ceux qui ne peuvent ou ne veulent arrêter l’injection les moyens d’en éviter les complications virales

  • Rapprocher les usagers du dispositif de soins et de traitements de la toxicomanie (méthadone, subutex, sevrage) et de ses complications infectieuses (interféron, trithérapie).

  • Mieux connaître les déterminants de la contamination VHC

III- MOYENS

  • Délivrer un Stéribox avec le système Stéricup (coupelle et filtre stériles et à usage unique) à tous les acheteurs de seringues dans les 23 000 pharmacies françaises.

  • Délivrer, lors de l’achat de ce nouveau Stéribox en pharmacie, une information spécifique sur les risques de contamination virales ( en l’occurrence, par le matériel autre que la seringue) et ……..

  • En même temps, fournir les moyens concrets d’éviter ces contaminations par l’un des trois virus (VIH, VHB, VHC): Ces moyens à côté de la délivrance de matériel stérile consistent à inclure, dans le stéribox, un mode d’emploi.

  • Mener à l’occasion de cette distribution de nouveaux outils de prévention, une campagne d’information sanitaire qui consiste à :

    • Inviter au dépistage du VHC, anonyme et gratuit, dans le secteur
    • Inciter à la vaccination VHB gratuite
    • Adjoindre à la distribution de matériel une information sur les adresses locales de recours aux soins, aux traitements de substitution, à la prise en charge médicale et sociale
    • Associer à cette campagne les structures de soins et de prévention (Dispositif spécialisé, Centres de Santé, Médecins des réseaux, Centres de dépistages et de vaccination).
    • Promouvoir les traitements actuels (interféron, ribavirine, recherches et nouveaux protocoles...)

ET POUR CEUX QUI S’INTERESSENT A LA RECHERCHE EPIDEMIOLOGIQUE

Pour vérifier l’efficacité d’une telle action comme l’a été l’introduction du Stéribox en pharmacie de 1992 à 1994, le protocole d’évaluation serait le suivant :

  • Faire une enquête avant la campagne et après celle-ci sur les connaissances des usagers en matière de transmissions virales, de protection vaccinale, de connaissance de leurs statuts sérologiques. Ces enquêtes se dérouleraient dans les officines, sous forme d’autoquestionnaire de type QCM (Vrai/faux, oui/non) proposé par le personnel de l’officine aux acheteurs de stéribox et de seringues. Le questionnaire serait rempli sur place (ou remis lors de l’achat suivant, les «Stériboxeurs» constituant aux dires des pharmaciens une clientèle fidèle). Cette enquête «avant-après» sur les connaissances aura pour but de mesurer l’impact des informations délivrées lors de la délivrance du nouveau «Stéribox».

  • Sous réserve de faisabilité,(notamment d’un test salivaire réalisé dans l’officine), réaliser à l’occasion de cette étude une enquête de prévalence. Dans une population d’injecteurs probablement plus jeunes et plus proches de leur période d’initiation que les injecteurs fréquentant les structures de soins et habituellement touchés par les enquêtes épidémiologiques, il s’agirait de mieux connaître les déterminants de la prise de risque, de mieux comprendre les raisons de la forte incidence du VHC dans les débuts de la carrière d’un injecteur. A l’issue du test salivaire serait proposée la démarche d’un test sérologique gratuit dans le secteur.
POUR TOUTE BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE
POUR EN SAVOIR PLUS SUR HEPATITE ET TOXICOMANIE
POUR EN SAVOIR PLUS SUR STERIBOX ET STERICUP
POUR EN SAVOIR PLUS SUR LES MODES DE
CONTAMINATION INCONNUS DE L’HEPATITE :

E-mail : elliot.imbert@wanadoo.fr
Site internet : medcial.org
Tél. APOTHICOM : 01 46 70 70 72


Retour au sommaire
POTHICOM : 01 46 70 70 72


Retour au sommaire