HEPATITE ET PAS TOI ?
HEPATITE ET PAS TOI ? HEPATITE ET PAS TOI ?

HEPATITE C : 80% DES PERSONNES
CONTAMINEES ECHAPPENT
AU SYSTEME DE SOINS
(Le Monde - Octobre 1997)

En dépit de quelques mesures récemment prises par les autorités sanitaires, un demi million de personnes environ dans notre pays ignorent qu'elles sont infectées par le virus de l'hépatite C. Les conséquences de cette maladie, pour laquelle il existe un traitement potentiellement efficace, peuvent à terme être graves, voire mortelles. Tel est l'inquiétant constat publié dans le dernier numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (n°23/97) de la direction générale de la santé. Il s'agit d'un problème majeur de santé publique, auquel est directement confronté le gouvernement.

Cette maladie est, dans une très forte proportion, due à l'usage thérapeutique de produits dérivés du sang collecté durant les années 80 dans des milieux à très haut risque infectieux, les prisons notamment. Dès lors, il s'agit aussi d'une affaire qui relance la problématique de l'indemnisation par la collectivité de la thérapeutique. En dépit de ses dimensions financières, politiques et symboliques, ce dossier n'a pas été véritablement pris en charge depuis une dizaine d'années par les gouvernements successifs.

Signée par un groupe de spécialistes de l'unité 444 de l'Inserm, la publication du Bulletin épidémiologique porte sur les résultats d'une enquête rétrospective effectuée auprès de 400 médecins généralistes qui participent à un réseau de surveillance épidémiologique (réseau "Sentinelles"). A la lumière des réponses de ces médecins, concernant leur prescription d'examens de dépistage du virus de l'hépatite C, et des estimations faites, notamment par le réseau national de santé publique, sur le nombre des personnes infectées en France (entre 500000 et 650000), les auteurs confirment que 80% de ces dernières ignorent leur état sérologique.

"Cette étude nous a permis de constater que 70% des généralistes avaient prescrit au moins une sérologie anti-HVC au cours de l'année 1994. Près de trois généralistes sur quatre connaissent au moins un patient positif vis à vis de ce virus dans leur clientèle. Nous avons pu estimer à environ 100000 le nombre de patients positifs et connus de leur généraliste en 1994", écrivent-ils.

En outre, on sait que 15000 personnes infectées sont suivies et traitées par Interféron, seul médicament ayant à ce jour fait la preuve d'une possible efficacité. Les auteurs de ce travail notent que le pourcentage de tests positifs est très élevé, supérieur à 25%. En d'autres termes, sur 4 personnes testées, 1 est infectée. Ce pourcentage est de 35% lorsque le test est prescrit chez des personnes qui ont été transfusées, et de 78% chez les consommateurs de drogues injectées par voie intraveineuse.

"Un grand nombre de sujets infectés par le virus de l'hépatite C ne connaissent toujours pas leur statut et échappent au système de soins", concluent les auteurs. Ils souhaitent qu'une lettre du directeur général de la santé, adressée en février 1996 aux médecins généralistes pour les inciter à multiplier les actions de dépistage, permettra de remédier à cette situation. Cette mesure n'a toutefois pas été suivie d'une évaluation. De la même manière, personne ne peut évaluer l'impact de la décision prise en mars 1993 par Bernard Kouchner, alors ministre de la santé et de l'action humanitaire, recommandant aux établissements hospitaliers de tout mettre en oeuvre pour retrouver les patients transfusés et de leur proposer un dépistage quelle que soit la date de cette transfusion.

Au delà des aspects médicaux, le dossier de l'hépatite C soulève le problème de l'indemnisation des personnes contaminées par voie transfusionnelle et, par là même, celui de l'indemnisation de l'aléa thérapeutique. Dans le cas de l'infection par le virus du sida transmis par les produits dérivés du sang, un fonds d'indemnisation avait été constitué : plus de 5 milliards de francs ont aujourd'hui été versés. En sera-t'il de même avec l'hépatite C, comme le réclament certaines associations de malades ?

De manière schématique, deux conceptions s'opposent : la première prône la solidarité nationale et la création, au sein du régime d'assurance maladie, d'une branche "accidents médicaux"; la seconde défend le principe d'une assurance personnelle. En décembre 1992, dans un entretien accordé au Monde, Bernard Kouchner, alors ministre, s'était prononcé en faveur d'une "cotisation volontaire qui représenterait une somme de 100F par an et par Français". Quelques mois plus tard, Philippe Douste -Blazy, alors ministre délégué à la santé, avait annoncé que le gouvernement étudiait les modalités d'une telle indemnisation. Devant l'ampleur des sommes en jeu, elles approchent une centaine de milliards de francs, aucune initiative n'a, depuis, été prise.

Jean-Yves Nau


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