HEPATITE ET PAS TOI ?
HEPATITE ET PAS TOI ? HEPATITE ET PAS TOI ?

HEPATITE C : INCERTITUDES ET CONSENSUS
(Le généraliste - n°1750 - 11/02/97)

SOMMAIRE

Intervention au cours du Salon du laboratoire du Dr LEFRERE, hôpital Saint-Antoine, Paris.

L'épidémie liée au virus C de l'hépatite aurait trois siècles. 0,5 à 5 % des habitants du globe sont concernés, 1 % dans notre pays. Dès le début du prochain millénaire, le problème relèvera de la santé publique.

On le sait maintenant avec certitude : la plupart des cas d'hépatite C sont liés à une transmission parentérale. Transfusion sanguine et toxicomanie intraveineuse ont été les grands vecteurs. Dans près de 30% des cas, aucun facteur de risque n'est mis en évidence, sans doute parce que l'enquête n'est pas assez fouillée, ou parce que la transfusion responsable, peropératoire, n'a jamais été signalée.

1.1 - Transfusés, thalassémiques, hémophiles...

Les sujets polytransfusés sont les plus concernés : le tiers d'entre eux a été contaminé. Parmi les hémophiles ayant reçu des produits non inactivés pour les virus, 70 à 100% l'ont été. Depuis 1987, date de la systématisation de l'utilisation des solvants détergents, les produits stables n'ont plus transmis le VHC. Les jeunes hémophiles ont été épargnés.

Si de nombreux produits sanguins ont été impliqués - concentrés plaquettaires ou globulaires, culots, plasma, fractions coagulantes -, l'albumine n'a jamais été contaminante, son mode de préparation éliminant le risque. Quelques lots d'immunoglobulines Gamma-gard ont été suspectés : les lots n'avaient pas subi d'inactivation virale. Tous les lots ont été rappelés et testés et tous les sujets ayant reçu ces immunoglobulines ont été testés par PCR (la sérologie pouvant n'être pas informative chez des sujets immunodéprimés). 8% des sujets traités avec le lot incriminé auraient été contaminés par cette voie. Curieusement, tous les receveurs du même lot n'étaient pas contaminés. A l'heure actuelle, toutes les immunoglobulines sur le marché français ont subi une inactivation virale.

Pour l'ensemble des produits sanguins, le dépistage systématique de tous les dons par des tests de troisième génération a diminué le risque théorique de transmission : le taux d'hépatite C post-transfusionnelle passe de 6% en 1980 à moins de 0,5% en 1996. La transmission du virus n'est plus désormais possible que lors de l'injection de produits sanguins labiles dont le don a été effectué au moment de la fenêtre sérologique ou dans le cadre d'une erreur humaine au moment du dépistage biologique. Ce risque résiduel, considéré comme infime, est estimé à 1 don de sang sur 220 000.

1.2 - La drogue et ... les hôpitaux

D'après les données de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies, parmi les 160 000 héroïnomanes français, 139 000 recourent à la voie injectable intraveineuse et un sur deux est contaminé par le virus C. Les co-infections par le VHB et le VIH sont fréquentes. Très curieusement, une étude américaine montre une fréquence très élevée de sujets positifs pour le VHC parmi les cocaïnomanes ne déclarant pas d'autres pratiques à risque (68%). En dehors de pratiques à risque masquées, il est possible que les plaies nasales induites par les pailles d'inhalation que se prêtent les toxicomanes soient en cause.

Les contaminations nosocomiales ont été impliquées. L'hémodialyse a entraîné le passage du virus de malade à malade, même en l'absence de transfusions, comme le montrent les études du génome viral parmi des patients infectés par la même souche. Une étude belge, portant sur plus de 400 dialysés, estime que, dans un centre d'hémodialyse, l'incidence annuelle de contamination par le VHC est de 1,7%. L'environnement de la dialyse, soins infirmiers et matériel de dialyse, est en cause. Les chiffres de prévalence varient selon les pays et les centres, de 10 à 60%.

Aucune solution préventive sûre n'a réduit la transmission à zéro. Certains spécialistes prônent la séparation des malades selon qu'ils sont séropositifs ou séronégatifs au VHC.

En unité de transplantation, les malades subissent , outre la greffe, des transfusions répétées. Un risque résiduel non nul de transmission par l'organe greffé subsiste. Il est lié à la possibilité de prélèvement pendant la phase de silence sérologique ou à la réalisation du dépistage sur le sang d'un donneur très hémodilué par les perfusions. En 1995, 5.7% des donneurs d'organes prélevés sur Paris étaient séropositifs pour le VHC. Les futurs greffés du rein ou du coeur, souvent polyhospitalisés et polytransfusés, sont par ailleurs contaminés par le VHC (environ 25% des transplantés rénaux et 30% des transplantés cardiaques).

En chirurgie, la contamination nosocomiale est exceptionnelle (une transmission de chirurgien à malades démontrée).

L'endoscopie digestive semble avoir été un facteur de risque avant la désinfection poussée des endoscopes telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée. La recherche d'ARN viral s'est toujours révélée négative après une décontamination correcte du matériel.

Bien que la contamination par ces voies n'ait jamais été formellement prouvée, tatouages et piercing effectués dans de mauvaises conditions ont pu être responsables.

1.3 - Soignants non contaminés

L'exposition professionnelle à un matériel souillé est un risque mineur. Le danger de contamination par VHC après blessure ou piqûre est inférieur à celui lié au VHB, supérieur à celui lié au VIH. Il est estimé entre 1,5 et 5%. Il pourrait être supérieur si le sujet est hautement virémique. Si, à New York, la prévalence du VHC est plus importante chez les membres du personnel de santé que dans la population générale, on ne peut généraliser. A Orléans, au CHU, les soignants ont une prévalence inférieure à celle du personnel administratif. Les mesures préventives adoptées face au VIH protègent également de l'infection par le VHC.

En cas de piqûre avec une aiguille contaminée et d'hépatite aigüe consécutive, il est aujourd'hui conseillé de traiter précocement le sujet infecté.

1.4 - Pas de contamination sexuelle

Si la prévalence des marqueurs VHC est supérieure chez les homosexuels, on ne peut cependant conclure à une contamination sexuelle habituelle. Les facteurs de risque associés semblent plus fréquents.

Dans les couples hétérosexuels dont l'un des partenaires est infecté, on n'a pas démontré le passage sexuel du virus. L'ARN viral n'a pas été retrouvé dans les sécrétions vaginales et sa présence dans le liquide spermatique est démentie. En outre, la présence d'ARN ne signe pas l'infectiosité, la contagiosité dépendant sans doute de la concentration en virions et de la présence éventuelle d'anticorps neutralisants.

On peut cependant noter que le virus a, rarement, été mis en évidence dans le sang. Cela conduit les experts à recommander l'usage du préservatif pendant les règles, lorsqu'il existe des ulcérations génitales, ou lors de rapports sexuels traumatisants. Il n'est pas recommandé dans les autres situations.

Au sein des familles, des contaminations non sexuelles ont été mises en évidence. L'utilisation conjointe de rasoirs, de brosses à dents, semble être en cause. Un faible niveau socio-économique est un facteur de risque de transmission, celle-ci semblant liée à la promiscuité. Une transmission par le rasoir d'un barbier a été démontrée.

1.5 - De la mère à l'enfant

Le risque de transmission materno-foetale est évalué à 3% si la mère n'est pas co-infectée par le VIH, à 20% en cas de double contamination. Cette différence semble liée à l'intensité supérieure de la réplication virale chez la mère en cas de co-infection. Cependant les modalités de la transmission restent inconnues. L'absence de détection d'ARN viral dans le sang du cordon plaide pour une contamination néonatale soit au cours de l'accouchement, soit durant la période néonatale plutôt que pour une transmission placentaire.

Si la sérologie du VHC n'est pas obligatoire au cours de la grossesse, elle est cependant recommandée pour les anciennes toxicomanes, les transfusées ou les malades ayant présenté une hépatite non étiquetée.

L'allaitement n'est pas documenté comme facteur de risque.

1.6 - Y a-t'il des risques méconnus ?

Il arrive qu'un sujet dissimule une ancienne toxicomanie ou qu'une transmission percutanée soit méconnue. Peut-être est-on en présence d'un mode de transmission non encore démontré. Toujours est-il que 20% des contaminations ne s'expliquent pas à l'interrogatoire. Le plus vraisemblable pourtant est qu'un antécédent de transfusion soit resté méconnu. En 1994, une enquête lancée par le ministère de la Santé auprès de trente services hospitaliers a concerné 6664 patients atteints d'hépatite C. 20% des étiologies restaient inconnues, transfusion et toxicomanie représentant 80% des cas. Parmi ces patients, 4% avaient un foie normal à la biopsie, 75% souffraient d'une hépatite chronique, 21% de cirrhose (4% avaient un carcinome hépatique).

1.7 - Un problème pour l'avenir

En 1996, seuls 10 à 15% de tous les sujets infectés ont été dépistés. Lorsqu'on utilise les tests de troisième génération, la prévalence est estimée à 1,1%. On peut donc estimer que 550000 à 600000 personnes ont été contaminées dans notre pays. 400000 à 500000 seraient virémiques. Moins de 5% des sujets contaminés sont suivis dans un service hospitalier.

Dans les années à venir, le diagnostic sera porté plus souvent. La population est mieux informée, les médecins généralistes sont sensibilisés, peu à peu les anciens transfusés, les toxicomanes sont testés. Le VHC est le plus souvent mis en évidence lors d'une sérologie pour don ou après la constatation d'une augmentation des transaminases. Il serait souhaitable que l'infection soit connue le plus tôt possible pour que le patient bénéficie d'un éventuel traitement. Même si l'interféron est relativement mal supporté et ses échecs nombreux, il permet de guérir environ un malade sur quatre ou cinq.

En raison de la longueur de la phase asymptomatique et du nombre de cas restant à dépister, l'histoire de l'hépatite C reste à écrire. Les chapitres sur les traitements et sur le vaccin sont loin d'être clos.

2 - CONSENSUS : UNE BASE POUR DISCUTER

Vous allez lire un consensus sur l'hépatite C. Sachez que les experts sont loin d'être consensuels lorsqu'ils discutent. Lors de la réunion organisée à Paris pour établir les règles de bonne pratique face à ce virus, les discussions ont été âpres sur certains thèmes. Notre goût pour la polémique, orientée généraliste, a été pleinement satisfait au cours de cette rencontre. En effet, l'intérêt du malade n'a pas été oublié et ce sont des voix d'experts incontestables qui se sont élevées pour pointer les effets délétères d'un dépistage mal orienté ou les incertitudes face à la thérapeutique.

Quelle stratégie de dépistage adopter ? Un dépistage systématique a été écarté. Certains facteurs de risque ont une valeur prédictive positive faible. Prenons par exemple le critère "séjour dans un pays en voie de développement". Il sélectionne 43% de la population pouur une valeur prédictive positive de 1,7%. Il n'est donc pas raisonnable de s'y arrêter. En revanche, si l'on sélectionne les sujets associant une toxicomanie intraveineuse ancienne et une transfusion avant 1991 avec des Alat supérieurs à 1,2 fois la normale, la valeur prédictive est élevée (7%) avec une sensibilité de 82% et une spécificité de 87%.

Le dépistage repose donc soit sur des facteurs de risque (seules toxicomanies et transfusion ancienne sont des facteurs suffisants en soi), soit sur des critères biologiques (la présence du VHC étant recherchée sur une valeur d'Alat augmentée, repérée par hasard en médecine de ville ou lors d'un examen systématique). Ces critères de sélection du dépisté ignorent cependant un élément essentiel : le patient.

Le dépistage trouve son intérêt dans l'existence d'un traitement, pour le moment par l'interféron. Des améliorations cliniques et biologiques sont décrites par toutes les études, dans une proportion cependant variable. Mais les bénéfices à long terme (taux de survie, par exemple), restent à préciser.

Les coûts induits, non seulement par le dépistage, mais également par les examens secondaires à la mise en évidence de la contamination, ne peuvent être ignorés. Le risque des explorations secondaires, en particulier de la ponction-biopsie du foie, ne peut être occulté. Quoique rare (0,04 % en moyenne), le décès au cours de cet examen est-il acceptable chez un maladde qui va le plus souvent bien, dont on ignore le devenir clinique et pour lequel les bénéfices thérapeutiques ne peuvent être assurés à priori.

Ces questions fondamentales n'ont pas été évoquées par des généralistes rétrogrades, mais par des experts en santé publique, comme le Dr Desenclos, en virologie, comme le Pr Goudeau, ou par des cliniciens comme le Pr Françoise Degos.

Ces questionnements ont abouti à des propositions concrètes, comme celles du Dr Deugnier, qui, après avoir souligné le caractère vulnérant de la ponction-biopsie hépatique, rappelait la nécessité de développer une alternative diagnostique, la recherche d'autres marqueurs de fibrose ou le recours à des indices motivés, qui restent à définir et permettant de se passer de la biopsie. La communication de Françoise Degos a fait passer un courant électrique dans l'amphitéâtre du consensus. Chargée de plancher sur les objectifs des traitements antiviraux de l'infection, elle a regretté de ne pouvoir disposer de données fondamentales, dont l'absence empêche des conclusions tranchées.

Alors que l'on peut affirmer face à une hépatite aigüe que le traitement par interféron est utile et nécessaire, on ne peut être aussi affirmatif face à une hépatite chronique. En dehors de l'hépatite aigüe, il n'existe pas de preuve formelle de la nécessité de recourir au traitement par interféron. Cela ne veut pas dire que ce traitement soit inutile, mais qu'il faut en préciser le but. Aucune étude ne permet d'affirmer à l'heure actuelle qu'il prévient la survenue des fibroses ou les cancers postcirrhotiques même si des études parcellaires le suggèrent. Il faudra du temps pour conclure. En revanche, son efficacité sur la normalisation des marqueurs biologiques ou sur la régression des lésions histologiques est prouvée; cependant le pourcentage avancé par les différentes études varie : 5 à 20% à long terme.

Car, et c'est là un point fondamental des études, les individus ne sont pas égaux devant la maladie. Le développement de la maladie vers la cirrhose est plus rapide chez les personnes âgées et chez les séropositifs. La réponse à l'interféron varie selon le type viral en cause. Les génotypes 1a et 1b, les plus fréquemment rencontrés lors des cirrhoses et des cancers, sont aussi ceux qui répondent le moins bien au traitement : on n'observe alors que 5% de réponses prolongées et, lorsque la charge virale est élevée, ce pourcentage tend vers zéro. Inversement un génotype 3 et une charge faible font espérer un tiers de réponses thérapeutiques. Faut-il donc choisir le malade avant de traiter ?

Disposer de critères prédictifs pour diagnostiquer, pour biopsier, pour traiter, c'est peut-être vers cet objectif que l'on tend aujourd'hui, dans un contexte qui ne peut oublier les impératifs économiques.

Dr Dominique FAUDEUX

3 - CONSENSUS SIMPLE

Les travaux d'experts ont débouché sur l'adoption d'un consensus qui a occulté les incertitudes pour définir une conduite pratique simple. Première conclusion : pas de dépistage systématique.

Le problème de santé publique représenté par la contamination d'un Français sur cent par le virus de l'hépatite C est loin d'être résolu. Quelques années seulement après la découverte du virus, il est illusoire d'espérer des réponses à toutes les questions qui se posent. Il faudra des études de cohortes, des évaluations, du recul pour affiner les connaissances. En attendant, les réponses sont claires et tiennent honnêtement compte de l'état actuel des connaissances. Nous présentons ici un résumé concis du texte court du consensus.

3.1 - Faut-il dépister l'hépatite C ?

Un dépistage ciblé doit être préférable à un dépistage de masse en raison des incertitudes persistantes concernant les bénéfices thérapeutiques attendus, du coût direct et indirect du dépistage et de la forte concentration de l'infection dans des groupes à risque bien identifiés.

Les personnes qui ont été transfusées avant 1991 constituent un groupe à risque important : avant 1991, on évalue le risque transfusionnel à 6%. Aujourd'hui, le risque résiduel est estimé à 1/220 000. Le jury recommande au corps médical, et principalement aux généralistes, de sensibiliser les patients à ces éléments (la notion de dépistage systématique n'est pas évoquée pour ces patients).

  • Pour les usagers de drogue, l'objectif est d'intégrer un dépistage itératif dans une démarche de prévention et de prise en charge globale des toxicomanes.

  • La population carcérale mérite un effort tout particulier de dépistage.

  • Les personnels de santé ne constituent pas un groupe à risque justifiant un dépistage systématique et répété.

  • En l'absence de données épidémiologiques précises, les personnes ayant subi des interventions invasives à titre diagnostique ou thérapeutique ne doivent pas faire l'objet d'un dépistage systématique.

  • Le jury ne conseille pas non plus le dépistage systématique des femmes enceintes.

L'outil de dépistage est le test Elisa de troisième génération, contrôlé par un second test en cas de positivité pour éliminer une erreur.

3.2 - Faut-il traiter ?

Le rapport bénéfice/risques du traitement doit être acceptable. La biopsie hépatique est indispensable dans le bilan préthérapeutique. La motivation du patient doit être évaluée comme les éventuelles contre-indications au traitement.

En l'absence de contre-indications, il existe un consensus pour traiter les hépatites chroniques nettement actives, cela en l'absence de cirrhose. Le sevrage alcoolique doit être effectif avant le traitement, dès qu'on est en présence d'une consommation supérieure à 20g par jour (2 verres). Un sevrage complet devrait être obtenu chez les toxicomanes.

Le jury estime que la constatation répétée de taux d'Alat normaux et l'existence de lésions hépatiques minimes font écarter le traitement. Ils arrivent à la même conclusion pour la cirrhose, en l'absence d'effet prouvé sur la survenue ou l'évitement du cancer hépatocellulaire. Les transplantés et les séropositifs ne doivent pas être traités.

En revanche l'interféron alopha est recommandé au cours des hépatites C aigües à la dose de trois millions d'unités trois fois par semaine pendant au moins trois mois. Il réduit le risque d'évolution vers la chronicité.

3.3 - Comment traiter ?

Le traitement de référence actuel est l'interféron alpha à raison de 3 millions d'unités trois fois par semaine pendant douze mois. Les associations thérapeutiques ne sont pas aujourd'hui validées. Trois cas types sont rencontrés :

  • La réponse est prolongée avec normalisation des Alat persistant au moins six mois après l'arrêt du traitement et, le plus souvent, disparition de l'ARN sérique. Selon les études et le recrutement, le taux de réponse prolongée varie de 10 à 45%.

  • Absence de réponse : si les Alat ne sont pas normalisés en trois mois, le traitement peut être interrompu.

  • La rechute, avec réascension des Alat durant les six mois qui suivent l'arrêt du traitement, survient chez près de la moitié des malades ayant eu une bonne réponse initiale. Un second traitement n'est pas justifié si le malade a été traité douze mois. Il peut l'être s'il n'a été traité que 6 mois. Le nouveau traitement dure alors 12 mois.

3.4 - Comment surveiller ?

Trois situations cliniques sont envisagées :

  • Le patient n'a pas de cirrhose et la contamination date de 20 ans ou plus. Le risque évolutif est considéré comme négligeable : aucune surveillance ne doit être prévue.

  • La contamination est plus récente, le malade n'a pas de cirrhose ni de fibrose importante. Une surveillance est instaurée. Elle comporte un examen clinique annuel, un bilan biologique hépatique, éventuellement une échographie adbominale. Une nouvelle biopsie hépatique est préconisée dans les trois à cinq ans à venir afin de juger de l'évolution.

  • Le patient a une cirrhose constituée. La surveillance est renforcée : bilan biologique hépatique tous les six mois, dosage de l'alpha-foetoprotéine et échographie abdominale. Tous les un à quatre ans, fibroscopie oeso-gastro-duodénale à la recherche de varices oesophagiennes ou tubérositaires.
Lorsque l'hépatite C est traitée, la surveillance est clinique et biologique :

Mois0102030405060708091011121416182124
Efficacité : clinique +++++++++++++++++
Efficacité : Alat +++++++++++++++++
Efficacité : ARN VHC + + +
Tolérance : NFS, plaquettes ++++++++++++
Tolérance : TSH + + + + +

3.5 - Quelles précautions prendre ?

  • Prise en charge médicale :

    • règles d'hygiène habituelles;
    • décontamination des dispositifs réutilisables;
    • diffusion des textes réglementaires aux structures de soins;
    • programmes d'évalutaion de la qualité des pratiques;
    • désinfection des endoscopes au glutaraldéhyde à 2% pendant 20 minutes;
    • élimination des donneurs de sang positifs;
    • en cas d'accident par exposition au sang : antisepsie prolongée 10 minutes par Dakin ou eau de Javel à 12° diluée au dixième.
    • mise à la disposition des toxicomanes de seringues.

  • Pour la personne infectée par le VHC :

    • pas de régime particulier;
    • pas d'obligation à signaler son statut (mais il est judicieux d'en informer les soignants en cas de gestes invasifs);
    • contre-indications de l'interféron

  • Pour l'entourage de la personne infectée par le VHC :

    • préservatifs en période menstruelle et en cas de lésions génitales;
    • pas de partage des objets de toilette;
    • pansement après plaie cutanée;
    • pas de désinfection des objets usuels;
    • pas de risque par le baiser;
    • pas d'isolement social (en particulier pour les enfants à qui la pratique sportive est autorisée);
    • pas de risque materno-foetal important sauf si la virémie est élevée et/ou s'il existe une co-infection par le VIH : dans ce cas, on recherche l'infection chez le bébé (à l'âge de 6 mois par PCR, à un an par sérologie).

4 - LES INCERTITUDES D'UN TRAITEMENT

4.1 - Les chiffres à la lettre

Traiter les hépatites C fera augmenter le chiffre national des suicides de 5% !!! C'est la conclusion inattendue de l'analyse des statistiques présentées au cours des discussions pour l'établissement du consensus.

Les laboratoires distribuant l'interféron nous pardonneront ce petit jeu comptable, tant il est vrai que les chiffres sont sujets à caution. Cela dit, 600000 Français sont contaminés par le virus de l'hépatite C; 500000 ont une hépatite chronique plus ou moins active : dépistons-les, biopsions-les, éliminons ceux qui sont très âgés, ceux qui vont très mal, ceux qui vont très bien y compris sur le plan histologique. La moitié des patients atteints d'hépatite chronique sont justiciables d'un traitement. Faut-il traiter ces 250000 patients ?

Rappelons les chiffres présentés lors de la conférence de consensus : un patient sur mille (0.05% à 0.33%) mourrait des suites de la biopsie, soit, dans le cas présent, plusieurs centaines de morts (précisons qu'il faut s'adresser à une équipe entraînée). Environ 7%, soit 17500 souffriraient de dépression au cours du traitement. Et (les chiffres, toujours les chiffres !), 0.2% se suicideraient en raison du traitement (une étude européenne portant sur 2500 malades relève deux suicides et trois tentatives) : 500 morts (l'annonce de la maladie est-elle étrangère à cette funeste décision ?). Le nombre de suicides annuels étant évalué, en France, à 12000, on peut en conclure que traiter toutes les hépatites C qui le justifient augmenterait de 5% le nombre annuel de suicides...

Manipulons les chiffres différemment. Sur 500000 hépatites chroniques, environ 80000 deviennent des cirrhoses. Chaque année, 4% de ces cirrhoses se compliquent d'un carcinome hépatique, soit 3200 cancers du foie par an. En dix ans, 40% des cirrhotiques auront développé ce cancer dont la mort est malheureusement l'issue habituelle.

Peut-on mettre en balance dépression ou cirrhose, suicides ou cancers, hypothèses et certitudes, aujourd'hui ou demain ? Certes non. Que retenir de ces chiffres déroutants ?

Certainement ce que le jury de la conférence de consensus a retenu comme règle : on ne dépiste pas systématiquement, on informe les malades, on traite quand un bénéfice est attendu; surtout, on tente d'affiner les données épidémiologiques et les critères de sélection des malades à traiter. Ces choix sont des choix de médecins et non de comptables. Ecoutons donc le consensus.

Dr FAUDEUX

4.2 - Une conviction contre les chiffres

Les problèmes soulevés par notre confrère sont de vrais problèmes, qui n'ont pas été discutés au cours de la conférence de consensus. Mais, comme elle le souligne, les chiffres sont toujours trompeurs et réducteurs. J'ai tenté, à partir de mon expérience clinique qui a débuté en 1987, date à laquelle j'ai traité mes premiers malades par interféron, de refaire les comptes.

Premier problème, la mortalité après biopsie. Si elle est réalisée dans de bonnes conditions, en milieu médical très spécialisé, avec, une fois qu'elle est réalisée, une surveillance style "salle de réveil", le pourcentage de décès ne dépasse pas 1/10000. Si l'on biopsiait les 600000 hépatites C, cela ferait 60 décès.

Les suicides sous interféron sont encore plus difficiles à évaluer, car il ne faut pas oublier que le suicide est une cause importante de décès dans notre pays et qu'un certain nombre de patients se seraient suicidés avec ou sans interféron. Les suicides liés au traitement, quand on connaît ce risque, ne me semble pas dépasser 1/10000. Si l'on traitait 200000 personnes, cela ferait 20 décès. Ce risque rappelle l'importance d'un suivi régulier et rapproché du malade par le généraliste, car la dépression peut apparaître au cours du traitement. Face à ces hypothèses, il faut afficher les chiffres de l'évolution naturelle de la cirrhoses : sans traitement, au moins 100000 personnes vont faire une cirrhose. En dix ans, 12000 en mourront.

Peut-on agir sur la fibrose et ralentir l'évolution de la maladie ? Les cliniciens en sont aujourd'hui convaincus. Des travaux préliminaires montrent que l'évolutivité de la cirrhose est moindre sous traitement. La conférence de consensus reflète une tendance moyenne, à mon sens trop conservatrice. L'AMM de la plupart des pays européens n'exclut pas les sujets cirrhotiques des traitements par l'interféron. Un essai randomisé et trois études rétrospectives suggèrent une diminution de l'incidence du cancer du foie sous interféron. Les résultats sont à confirmer mais nous laissons à ces malades le bénéfice du doute. Plusieurs essais randomisés ont démontré l'activité histologique de l'interféron par des traitements d'au moins douze mois, comme les méta-analyses les plus récentes. L'arrêt de l'interféron au troisième mois sur des critères uniquement biochimiques ou virologiques me paraît dangereux pour les malades, sauf si on leur propose un autre traitement antiviral. Des résultats préliminaires suggèrent même que l'interféron limite la vitesse de progression de la fibrose chez ces non-répondeurs biologiques, par rapport à leur évolution naturelle sans traitement.


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