HEPATITE ET PAS TOI ?
HEPATITE ET PAS TOI ? HEPATITE ET PAS TOI ?

RISQUE DE TRANSMISSION NOSOCOMIALE

par le Dr Lawrence SERFATY, Service d'Hépathologie, Hôpital Saint Antoine, Paris
et Anne-Marie JULLIEN, Direction Générale de la Santé, Paris

Les données concernant la transmission nosocomiale (en dehors de la transfusion) du VHC sont relativement peu nombreuses à l'heure actuelle. Environ 20% des patients ayant des marqueurs d'infection par le VHC n'ont aucun des facteurs de risque habituels. Ce chiffre pourrait s'expliquer par le fait que les facteurs de risque nosocomiaux n'ont pas été recherchés dans la plupart des études.

TRANSMISSION NOSOCOMIALE DU VHC

IDENTIFICATION DU VHC DANS LES LIQUIDES
BIOLOGIQUES AUTRES QUE LE SANG

Le sang est probablement le vecteur principal du VHC, y compris en cas de transmission nosocomiale. Cependant, on ne peut totalement éliminer une transmission du virus par d'autres liquides biologiques. La présence de l'ARN du VHC a été cherchée par amplification génomique (PCR) dans différentes sécrétions de sujets infectés. Alors que le virus était constamment détecté dans le sang, il n'a pas été trouvé à ce jour dans le sperme, l'urine, les selles et les sécrétions vaginales. Cinq études ont documenté la présence de l'ARN du VHC dans la salive de 43 des 71 patients étudiés; à l'inverse, deux études américaines ont montré l'absence d'ARN du virus dans la salive de 31 patients infectés par le VHC. La discordance entre ces résultats pourrait être expliquée par une spécificité et une sensibilité insuffisantes des techniques de recheerche de l'ARN du VHC. Une des raisons du manque de sensibilité de la PCR pourrait être la présence d'éventuels inhibiteurs dans les liquides biologiques. Cela invite à un complément d'analyse sur ce sujet.

TRANSMISSION PAR DU MATERIEL MEDICAL

Les voies de transmission du VHC les mieux identifiées sont celles qui permettent à du matériel souillé par le sang d'un sujet infecté d'entrer en contact avec le sang d'un sujet jusque là indemne : partage de seringue entre toxicomanes, piqûre accidentelle du personnel soignant par aiguille contaminée. Par extension, on peut imaginer que toute forme d'effraction cutanée par du matériel contaminé puisse constituer une voie d'infection. Ainsi, la transmission du VHC pourrait être médiée par du matériel médical insuffisamment décontaminé, si ce dernier entre en contact avec le sang des patients. Ce mode de transmission a été évoqué chez les sujets hémodialysés, en dehors de toute transfusion, et lors de plasmaphérèses.

Un cas de transmission du VHC a été rapporté récemment au décours d'une cholangiographie rétrograde. La recherche d'ARN du VHC dans le liquide du canal opérateur d'endoscopes stérilisés après utilisation chez des patients infectés s'est avérée négative. Une étude cas-témoin effectuée dans les hôpitaux de la région parisienne a montré qu'un antécédent de biopsie per-endoscopique était associé de façon indépendante à l'infection due au VHC. Si ces résultats sont confirmés, ils indiquent que les manoeuvres instrumentales per-endoscopiques, plus que l'endoscopie elle-même, peuvent être un vecteur du VHC.

Dans une enquête cas-témoin, le cathétérisme vasculaire n'était pas un facteur de risque chez les donneurs de sang anti-VHC positifs.

TRANSMISSION PAR UN ORGANE OU UN TISSU GREFFE

La transmission du VHC par un organe ou un tissu greffé contaminé a été clairement établie. En cas de contamination d'un patient lors d'une transplantation d'organe, il est difficile de faire la part entre la transmission par l'organe lui-même, et la transmission par les transfusions sanguines associées ou par d'autres voies nosocomiales. De plus, dans certains groupes de candidats à une greffe d'organe, la prévalence de l'infection par le VHC est particulièrement élevée (par exemple, les sujets hémodialysés en attente de greffe rénale ou les patients atteints de cirrhose en attente de greffe hépatique).

TRANSMISSION PATIENT-PATIENT ET MEDECIN-PATIENT

Une transmission du VHC de patients à patients a été évoquée récemment chez des patients leucémiques hospitalisés dans un service d'hématologie. Enfin, il faut aussi signaler comme cela l'a été pour le virus de l'hépatite B, la possible contamination par un chirurgien porteur du VHC.

GROUPES A RISQUE NOSOCOMIAL

Plusieurs types d'enquêtes épidémiologiques ont été utilisées dans la littérature pour caractériser les groupes à risque d'infection par le VHC. Le plus souvent, il s'agit d'études transversales, du type étude de prévalence de l'infection par le VHC, avec ou sans comparaison à un groupe témoin. Concernant la transmission nosocomiale, il n'y a pas, à notre connaissance, d'études longitudinales comparant la fréquence d'apparition du VHC dans des groupes exposés ou non à un risque donné. Il n'est donc pas possible, à l'heure actuelle, de déterminer le risque nosocomial. Plusieurs études n'ont concerné que des cas anecdotiques.

HEMODIALYSES

Chez les hémodialysés, la prévalence des anticorps anti-VHC varie de 10 à 50%. La prévalence est directement liée à l'ancienneté de l'hémodialyse et au nombre de transfusions. Dans les études utilisant les tests de première génération, la prévalence des anticorps anti-VHC, en l'absence de toute transfusion, varie de 10 à 25%. Cependant, l'ARN du VHC peut être détecté dans le sérum de patients hémodialysés chez lesquels les anticorps anti-VHC ne sont pas détectables par les tests de première et même de seconde génération.

TRANSPLANTES

Les études les plus intéressantes sont celles où la présence de l'ARN circulant du VHC est connue chez les donneurs et chez les receveurs avant et après la transplantation. Les études de transmission fondées sur la seule détermination des anticoprs anti-VHC sous-estiment doublement le risque de transmission. En effet, les donneurs (présumés immunocompétents) peuvent avoir des anticorps anti-VHC sans ARN viral circulant,et surtout les receveurs (immunodéprimés) ont fréquemment une infection (avec ARN viral circulant) sans anticorps anti-VHC détectable. A notre connaissance, une seule étude a recherché l'ARN du VHC dans le sang des donneurs et des receveurs avant et après la transplantation. Le risque de transmission du VHC d'un donneur infecté à un receveur naïf était de 100%. Il reste difficile d'évaluer le risque transfusionnel associé à la transplantation. Le risque lié à la transfusion est bien illustré par les greffés de moelle puisque l'éviction des donneurs de sang anti-VHC positifs a permis de diminuer le risque de 14 à 1.6%. Dans les études où l'on ne connait pas le statut du donneur, la probabilité de contamination chez le receveur naïf, fondé sur la détection de l'ARN viral circulant, est de 8%. L'interdiction, imposée récemment, de transplanter le foie d'un donneur anti-VHC positif devrait faire nettement diminuer ce risque.

SUJETS SOUMIS A DES SOINS

A notre connaissance, il n'a pas été réalisé d'étude prospective permettant d'évaluer le risque de transmission du VHC par différentes manipulations instrumentales, comme le cathétérisme vasculaire ou l'endoscopie digestive. Ce mode de transmission est envisageable mais le risque n'en est pas quantifié. Les sujets ayant subi des soins comportant en particulier des injections répétées avec du matériel non jetable, dans les années 50 à 70, ont peut-être été particulièrement exposés au risque de contamination par le VHC.

FREQUENCE DES FACTEURS DE RISQUE

Le dépistage systématique des anticoprs anti-VHC dans certaines populations, comme les donneurs de sang ou les femmes enceintes, a permis de préciser l'épidémiologie de l'infection par le VHC. Cependant, dans la plupart de ces études, les facteurs de risque nosocomial n'ont pas été pris en compte. Une enquête cas-témoin chez les donneurs de sang anti-VHC positifs a montré qu'un antécédent de chirurgie majeure était un facteur de risque d'infection. Cependant, on ne peut éliminer formellement une transfusion méconnue par le patient lors de ce type d'intervention. Dans une enquête récente sur la prévalence, la gravité et les facteurs de risque des hépatites chroniques C en France, un antécédent d'acte éventuellement contaminant (chirurgie majeure, acte interventionnel diagnostique ou thérapeutique, séance d'hémodialyse) était trouvé chez 16% des patients. Enfin, comme nous l'avons bien précisé, une enquête sur des patients hospitalisés en gastroentérologie dans les hôpitaux de la région parisienne a montré qu'un antécédent d'endoscopie avec biopsie était significativement associé à une infection par le VHC.

La transmission nosocomiale joue probablement un rôle important dans l'épidémiologie du VHC. Bien que le risque de transmission nosocomiale du VHC ne puisse être chiffré, une circulaire ministérielle récente (9 mai 1995) indique les mesures de prévention indispensables pour maîtriser ce risque. Outre l'application stricte des précautions universelles, il est rappelé l'importance du nettoyage et de la désinfection des endoscopes, et concernant l'hémodialyse, le respect des procédés de désinfection prévus par les fabricants conformément aux normes AFNOR. Enfin, un arrêté ministériel interdit la transplantation d'organes ou de tissus de donneurs anti-VHC positifs.


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